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Fragments écrits - Journal

Comme une enveloppe que je perce

C’est un moment comme une conférence dans un vieux cinéma, un moment où je parle seul face à tout le monde, un moment où je décide de faire un truc que je n’ai jamais fait de cette façon. « Je crois qu’une table ronde c’est peut-être trop figé. Il faudrait convoquer des émotions chez tout le monde, je te propose d’écrire un texte et d’en performer la lecture. » Ce jour-là je venais de m’engager pour quelque chose qui me semblait improbable. Aucune idée de comment procéder, pas le moindre doute pourtant. Soit, j’y vais et on verra bien. Le temps venu, deux centaines de paires d’yeux, un « surtout respire par le ventre » et en avant Guingamp ! Je performe un truc mais je ne sais pas faire, ça n’a pas l’air de se voir alors je continue.

À la fin une personne chante, une autre pleure et dit « je ne te connaissais pas comme ça », ici ou là un sourire de reconnaissance, des questions, des anecdotes et l’enveloppe extérieure de mon corps dissimulant une essoreuse. J’ai fait un truc et ça a marché, enfin je crois, des semaines durant on m’en parle tous les jours. J’ai fait un truc et je ne sais pourquoi cela me dépasse. D’une certaine façon ça ne m’appartient pas, j’en suis quelque peu mal à l’aise mais je finis par aller au-delà. « Je ne te connaissais pas comme ça » et bien je ne me connaissais pas comme ça non plus, j’ai l’impression d’être un gosse sur un vélo délesté des petites roues à l’arrière. Alors même que parfois je bégaye face aux gens je découvre que je peux réaliser des choses nouvelles. Je crois que c’était comme ça la première fois que j’ai guidé une visite.

Je parle de tout cela dans la pièce aux murs feutrés ; de tout cela et du corps qui change, de l’esprit qui s’apaise, des sentiments que je fais vivre entièrement, de ce que je veux et ne veux plus, des compliments que j’accepte sans grincer des dents. Il n’y a plus vraiment de digues, seulement un quotidien aux allures de mouvement perpétuel, un flot agité où l’on voit à travers la surface. J’ai peur mais je fais, alors la thérapie s’arrête et ça ne fait pas mal.

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