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Fragments écrits - Journal

Il a suffi d’un saut du plongeoir

Je crois que j’ai toujours été attiré par la mélancolie qui tient lieu parfois dans les villes de bord de mer. Quand je parle de mélancolie je veux dire celle créée par l’espèce de truc un peu doucereux et périssable que l’on rencontre sans arriver à le comprendre véritablement, comme le ressenti devant ce musicien qui, chaque soir, écume la terrasse d’un nouveau bar en reprenant Alain Bashung. Aujourd’hui c’est la sixième fois que je l’entends. Je ne l’écoute pas véritablement mais à force, je commence à connaître son programme de concert par cœur. « La nuit je mens » entends-je encore. Je me dis que c’est la ville qui ment un petit peu, ne serait-ce que lorsque la file d’attente est interminable chez le glacier quand bien même le crachin est incessant. L’été concret tiendrait ici à un cornet tiramisu/noix de pécan mangé en vitesse afin d’éviter de tenter un jeune goéland, un grisard, déjà charnu comme une pintade. Quel que soit le temps et à n’importe quelle heure. Alors oui, je pense qu’une station balnéaire doit mentir un tantinet pour exister.

Je ne sais pas si je mens, parfois sans doute pour dissimuler une peur ou pour ne pas abattre un rempart. C’est J. qui me parle des remparts que je ne franchis pas toujours ou que je me crée. L’expression me touche, me heurte certainement, mais il a raison. Je prends une décision radicale, je choisis de changer de braquet et voilà qu’une résistance se fait jour. Du reste, cela ne m’empêche pas d’avancer. Ces derniers temps j’ai un peu forcé ma nature, peut-être plutôt ais-je essayé de la découvrir. Ça n’est pas douloureux, c’est même presque doux. Voilà des années que J., A., I., H.-C. et P. m’y encouragent et me voilà lâché sans filet. Je ne sais pas vraiment ce que je veux faire ici mais j’ai la certitude que ce sera bien. Cela ne rend pas l’aventure moins périlleuse, seulement est-elle plus nécessaire encore.

Hier on a dansé dans la rue sous la pluie. Le café sous l’appartement fêtait son anniversaire, l’occasion encore de tester des choses aussi absurdes que de manger une glace en grelottant sous le crachin. Absurdes mais tangibles, j’ai l’impression de revivre des scories d’adolescence. Une adolescence sérieuse puisqu’en même temps que j’apprends à sauter comme un dératé dans les vagues, je paye mes factures, je découvre le footing pratiqué régulièrement, j’achète du poisson au marché et râle contre le clignotant qui est certainement aussi optionnel en Normandie qu’en Vendée. Demain il y a aura d’autres sauts du plongeoir, d’autres barrages à rompre et de remparts à abattre. Suffisamment d’éléments pour mesurer que les turbulences ne sont pas si grandes que ce que les vagues donnent à regarder, il m’a suffi de les aimer. Et là, je ne me mens pas.

2 réponses sur « Il a suffi d’un saut du plongeoir »

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