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Propos culturels

Le Studio Marlot & Chopard

A mon sens, il y a dans l’œuvre photographique argentique de Rémy Marlot et Ariane Chopard-Guillaumot une lumière oubliée presque baroque tant elle révèle la richesse des éléments paysagers et l’irrégularité fluide des éléments. Cette fluidité dans l’exubérance des formes dont parlait Gilles Deleuze est paradoxalement visible dans la série Black churches qui accentue la monumentalité et la rigueur gothiques de la cathédrale de Cologne par le biais de la contre plongée (qui accroit les dimensions) contrebalancée par l’unité qui passe par cette bichromie que permettent le contre-jour et le voile cobalt offert par l’appareil photographique. Aussi, plus que catégoriser le travail du Studio Marlot & Chopard sur un plan strictement documentaire, il convient de reconnaitre le parti-pris esthétique que je trouve troublant et équilibré ; cet entre-deux entre la beauté apollinienne et la spiritualité dionysiaque, sans oublier une idée récurrente dans la photographie, d’interroger le rapport de l’Homme à l’espace dans lequel il évolue.

Black churches, 2007

La série The Valley justement montre une reconquête du végétal sur des lieux autrefois domestiqués. Si dans l’espace romantique des Buttes Chaumont cette liberté donnée à la nature est volontaire – et néanmoins contrôlée ad minima – on observe avec amusement cette serre abandonnée d’où dépassent branches et feuillages à Pougues-les-Eaux. Chez Rémy Marlot et Arianne Chopard-Guillaumot, l’eau n’est pas bleue et le ciel est achromatique. La palette de verts qui compose les photographies crée un espace protecteur, presque apaisant, pour celui qui regarde l’œuvre et plonge en son sein par la contemplation. Devant ce bassin couvert de lentilles d’eau, on aurait envie de tendre la main pour saisir les feuilles mortes qui constellent le plan dont la couleur varie entre vert de vessie et vert de Hooker. C’est cette puissance des verts couplée à la précision du tirage que j’aime dans cette série. Là ou des photos de sites abandonnés peuvent inquiéter ou susciter l’émoi, les nuances et la profondeur, liées à l’argentique, donnent l’envie irrépressible de profiter d’un instant au milieu des feuillages qui prennent un sens mythologique rappelant les légendaires forets d’Arcadie si chères aux auteurs grecs.

The Valley (Paris, Buttes Chaumont #2), 2008

Studio Marlot & Chopard, The Valley (Pougues-les-Eaux #1), 2006

The Valley (Bad Ems II #2), 2007

Enfin, une photographie retient mon attention. Il s’agit d’une vision d’une tombe – probablement protestante parce qu’isolée au fond d’un terrain – dont la croix surgit du sol et donne une signifiance à un espace négligé. On pourrait évidemment faire le lien avec la religion, l’exclusion entre communautés…mais là encore on peut se contenter de l’esthétique photographique et de l’ambivalence du lieu dont la perspective n’est pas permise comme dans cette série où la vision au lointain n’est matériellement pas possible – comme pour donner l’illusion d’un seul lieu pour quarante photographies. Dans un style plus documentaire, le Voyage au pays du réel (il faut que je fasse un billet sur cette série que j’aime beaucoup) de Thierry Girard offre une autre vision de l’abandon funéraire qui n’est pas sans rappeler la photo dont je parle. Il y a en effet un mépris de la pierre tombale pour des raisons qui tiennent à la politique et à des éléments culturels qui gênent. Mais là où l’œuvre du studio Marlot & Chopard est différente, c’est bien sur le parti pris esthétique qui va plus loin que la presque neutralité voulue par Thierry Girard.

The Valley (Bad Ems II #7), 2007

Thierry Girard, Tumulus de l’empereur Han, An Di, Meng Jing près de Luoyang, Henan, 2003-2006

Là encore il s’agit d’une vision personnelle d’un travail photographique, je vous invite à vous faire votre opinion en consultant textes et photographies sur le site http://www.marlot-chopard.com/

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