Catégories
Propos culturels

L’art du XIXe siècle et les artistes transcendés à La Roche-sur-Yon

Si le Musée de La Roche-sur-Yon jouit d’une réputation extérieure peu commune, c’est notamment grâce à son fonds photographique contemporain réunissant des grands noms tels Andreas Gursky, Karen Knorr, Jeff Wall… mais également en raison de sa capacité reconnue à organiser des expositions aux intérêts artistiques et philosophiques importants. Cinq ans après la réalisation de Savoir-Faire. La formation des artistes au XIXe siècle, le chemin parcouru est conséquent.

La réputation émanant des expositions liées à Constant Puyo mais surtout à Nicolas-Toussaint Charlet a créé les conditions adéquates à la réunion d’œuvres exceptionnelles – certaines n’ont d’ailleurs jamais été exposées hors-murs – chose peu commune à un musée de la taille de l’établissement yonnais. Il s’avère que, quand une équipe porte un projet avec convictions, les barrières qui peuvent se poser se voient transcendées plus facilement et avec majesté. Aussi, L’Artiste en représentation. Images des artistes dans l’art du XIXe siècle est assurément la plus importante exposition yonnaise depuis la rétrospective de Paul Baudry qui se tenait en…1986 !

Organisée en partenariat avec les musées de Laval, l’exposition a été conçue par Hélène Jagot, directrice du Musée de La Roche-sur-Yon et Alain Bonnet, professeur d’Histoire de l’art à l’université de Grenoble. C’est d’ailleurs un ouvrage de ce dernier qui est à l’origine du projet. Edité en 2007, Artistes en groupe, la représentation de la communauté des artistes dans la peinture du XIXe siècle, permet de dépasser les considérations plastiques brutes pour mettre en exergue les considérations sociales, politiques, conjoncturelles… et leur rôle sur les liens entre artistes, méthodes de travail mais également sur l’imagerie qui leur est liée. C’est une lecture renouvelée des arts du XIXe qui est proposée. Ce siècle à l’importante productivité artistique – liée à un certain décloisonnement des pratiques – a trop souvent été considéré de manière uniforme alors qu’il faut au contraire intégrer la notion de multiplicité des productions et lignes artistiques.

« La pittura è cosa mentale »

Communément attribuée à Léonard de Vinci, cette phrase est parfois considérée comme un des éléments fondateurs de l’art conceptuel. Aussi, il faut considérer l’œuvre non pas comme un élément figuratif, mais bien comme le marqueur d’un état d’esprit de son producteur en lien avec un climat social, une spécificité qui lui est propre, une volonté de mise en avant… Pour reprendre l’expression entendue lors du vernissage de l’exposition, c’est un XIXe siècle « protéiforme » qui se dévoile à La Roche-sur-Yon et par le biais de l’indispensable catalogue de 272 pages.

Trois thématiques d’approche sont proposées au public, à savoir La communauté des artistes, Portraits, autoportraits : l’artiste face à lui-même et La vie des maîtres anciens.

-Le premier champ notionnel s’articule autour des idées de l’idée de la succession des maîtres, des aréopages d’artistes mais également de mises en rapport historiques. Le concept de représentation généalogique n’est ici pas étranger. Il répond à un certain besoin d’établissement d’une famille artistique différenciée de et élevée par rapport à la société. La coupole de Maurice Denis ainsi que la décoration de l’hémicycle de l’École nationale des Beaux-arts par Delaroche sont deux œuvres qui illustrent remarquablement cette thématique.

-Deuxièmement, la signification des portraits et autoportraits est ici expliquée dans une dimension existentialiste. L’artiste tourmenté trouve le moyen d’une expression personnelle se rattachant à ses desseins et à sa condition. Plus tard, cette idée sera reprise par des artistes contemporains qui, comme Elina Brotherus, donneront au modèle représenté un rôle d’expression d’un état de pensée. L’Autoportrait d’Henri Martin en Saint Jean-Baptiste ainsi le douloureux Jean-Baptiste Carpeaux sont à retenir.

-La célébration historique visible dans l’ultime partie de l’exposition répond au regard sur le passé qu’offre le courant romantique. Il n’est pas forcément excessif de parler de « déification » étant donné que le travail autour des grands maîtres anciens permet de revendiquer le statut d’artiste comme celui d’une profession à part dépassant le cadre artisanal traditionnel. Les représentations du mythe de Giotto par Legendre-Héral ou Ziegler correspondent à cette idée.

Cette exposition est l’expression des bouleversements du monde de l’art au XIXe siècle. Les 140 œuvres venant de tout l’hexagone, et de musées réputés comme le Petit palais, le Musée des Beaux-arts de Lyon…, offrent un panorama d’un siècle qui a vu la concrétisation de changements, l’affirmation d’un renouveau… Un instant charnière créant un état de non-retour et les préfigurations d’une fin de millénaire profondément novatrice.

L’équipe du Musée de La Roche-sur-Yon peut être fière de l’aboutissement d’un travail entamé il y a de nombreuses années. Incontestablement L’Artiste en représentation. Images des artistes dans l’art du XIXe siècle est une des expositions qu’il faut voir cet hiver en France. C’est gratuit et c’est jusqu’au 6 avril !

Album photos : https://www.facebook.com/media/set/?set=a.2678217851962.71106.1751744268&type=1&l=62e0b6fd91

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *