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Quelque chose m’est revenu

Quelque chose m’est revenu, un anniversaire indistinct des autres sur un réseau social qui veut jouer les journaux de bord sans pour autant en avoir la moelle. La photo d’un passage à Paris, et avec elle le souvenir d’avoir fui brutalement la ville après avoir été planté devant la Trinité par un garçon déçu ; le souvenir des 400 km en train pour aller le voir ; mais aussi celui d’un détour rue Notre-Dame-de-Lorette retrouver l’immeuble d’une amie décédée.

La façade était muette, les fenêtres nimbées de jaune de Naples sans que rien pour autant n’en transparaisse. Sur leur socle de la place Saint-Georges, les personnages du Carnaval de Paris semblaient se moquer de voir un garçon naïf perdre son temps à la recherche d’une chimère. Pas une trace de la fille d’artiste rencontrée par hasard à Rome six ans auparavant, pas le moindre signe de la folie colorée qu’elle appliquait sur les entêtes de ses lettres manuscrites.

Le souvenir rappelé par le fil d’actualité m’a poussé à rechercher une énième fois, et sans savoir quoi attendre, son adresse sur internet. En même temps que son nom était décliné dans les résultats de recherches, deux informations sont apparues : « Capitole » et « 2008 ». Un pastel, présenté au salon des artistes de l’arrondissement, un pastel aux pins tortueux semblables à ceux qu’elle dessinait à la sanguine cette même année le jour de notre unique rencontre Largo della Salara Vecchia.

J’ai gardé nos lettres, le souvenir de ses gestes parcourant le papier et le faire-part envoyé par son frère portant la mention « elle nous parlait souvent de vous avec émotion ». L’inattendu me fait retrouver aujourd’hui l’image des troncs arqués comme ses doigts usées par neuf décennies, la seule image de son œuvre gardée par mes souvenirs. C’est peu mais c’est tout et ce soir les personnages de la place Saint-Georges ont remisé leurs airs moqueurs.

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