Je te parlerai de Nantes comme d’un horizon. De ce premier souvenir de la flèche de Saint-Clément surgissant des cimes printanières aux frimas de décembre qui engourdissent le corps à la remontée vers la rue de Bréa. Et la ville, mutique autant que flamboyante dans son corset de pierre brune que le temps émousse et que les hommes remplacent, parfois, souvent, sans crier gare.
Je te parlerai de ces matins cours Saint-Pierre, m’emparant du tapis de feuilles comme d’un océan ouvrant vers un ailleurs ; d’un soir d’été, un ailleurs aussi, où quelque abri de béton des rives de l’Erdre devint le prolongement du refuge de la nuit passée ; des anciennes couleurs des murs du musée, du château sans dorures ni oriflammes et de la rue du Calvaire gaie comme un canal sous la pluie.
Je te parlerai de mes crébillonages à l’attente d’un rendez-vous, de Trentemoult où les chats se font discrets lorsque le fleuve s’enfonce dans un cerneau de bruine, de mon amour que je ne peux pas justifier pour les anciennes aubettes du tramway, de ma noyade dans deux iris au beau milieu du hall de gare.
Je te parlerai d’une ville où j’ai tout envisagé et où l’émotion ne s’éclaire qu’au secret du vécu.