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Fragments écrits - Journal

La possibilité d’un récit

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« Nous ne sommes rien, ce que nous cherchons est tout. »

Traversant de nouveau la place Saint-Georges je repense à ce qu’écrit Hölderlin dans Hypérion. Et tandis que cette phrase me vient à l’esprit, il ne me semble pas excessif de m’identifier à ce jeune homme trouvant en une figure aînée un point d’ancrage pour sortir de ses errements. Peut-être la comparaison doit-elle s’arrêter là, mais il y a quelque chose de la prospection intime dans ce qui me mène ici maintenant, comme à chaque fois que je me rends à Paris.

La fois précédente j’avais trouvé la porte de son immeuble ; aujourd’hui je ne me rappelle plus de quel numéro de la rue il s’agissait. Cela importe-t-il d’ailleurs vraiment d’identifier une façade monochrome et lisse, parmi d’autres murs eux-mêmes inertes à mon regard. Et que m’apporterait de reconnaître cet immeuble quand bien même je ne pourrais jamais en percevoir davantage que ce que la rue donne à regarder. Ni étage ni numéro d’appartement pour m’orienter. Les correspondances que j’ai rangées avec soin ne me livrent qu’un intérieur de papier mais des reliefs beaucoup plus utiles à ce que ma mémoire se figure.

Il y a peu je parlais à un ami cher de ce qu’apporte le réel au récit ; me demandant si la recherche de trop d’exact ne pouvait pas empêcher le déploiement de ce que l’on désire exprimer. Lui disant « j’aime l’idée que tu tisses toute la matière sensible, par déduction et invention, sans peut-être la connaître vraiment », je me suis rendu compte que je parlais aussi de moi et de mes questionnements qui n’auront pas tous de réponses. Et j’ai repensé à Romain Gandolphe qui, sorti des Beaux-Arts de Lyon, est retourné dans le désert Mojave à la quête d’un relief photographié par Robert Barry en 1969. Et de cela apparaît l’idée que la démarche est peut-être plus constitutive qu’une finalité claire.

Ce jour, place Saint-Georges, est née la possibilité d’un récit. Un récit sans finalité scientifique mais dont j’ai compris ce qu’il devait comporter de choses palpables comme non dites.

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