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Les cyanotypes de Daniel Clauzier

Jusqu’au 24 février 2018, la galerie La Nouvelle Athènes (75009) propose une exposition consacrée aux ciels peints par Jean-Michel Cels (1819-1894). Si les quatorze œuvres sélectionnées et le catalogue (accessible en fin d’article) méritent une réelle attention, c’est du travail de l’artiste Daniel Clauzier que je souhaite parler ici.

En écho à l’œuvre de Cels, Daniel Clauzier expose la série « Cloud studies » qui, sans jouer les pastiches exacts des productions anciennes, reprend et actualise l’esprit des grandes explorations photographiques de Gustave Le Gray à Victor Segalen. Par la technique du cyanotype, Daniel Clauzier met en application un procédé monochrome né à la moitié du XIXe siècle et par lequel les images se figent sous l’action des rayons ultraviolets.

À l’ère de l’instantané numérique la temporalité du cyanotype semble à contre-courant du réel. Pour les réalisations dont la teinte ne s’arrête pas au bleu du développement, ce ne sont pas moins de trois bains – développement, soude et virage au tannin – qui sont nécessaires à l’obtention du tirage final. À cela s’ajoutent les différents rinçages et, dans tous les cas, la nécessaire exposition à la lumière du soleil. Aussi, on ne sera pas surpris de croiser l’artiste franco-canadien étaler ses œuvres en devenir sur les marches de la médiathèque François-Mitterrand ou sur une terrasse du centre de Poitiers.

Portant un regard sur l’appropriation des œuvres par leur reproduction, Daniel Clauzier s’est d’abord appliqué à transposer sur cyanotypes différents moulages conservés à Châtellerault. Il y a là une progression logique quand on sait que l’artiste a auparavant composé un « Trésor artistique de la France ». À Port-de-Bouc en 2014, Daniel Clauzier a en effet repris la démarche de vulgarisation par la photographie mise en pratique par Léon Vidal dans les années 1870. Une série contemporaine expérimentale, esthétiquement imparfaite et déséquilibrée à l’image du processus d’inventaire photographique à ses balbutiements.

À La Nouvelle Athènes, on pourrait croire que Daniel Clauzier laisse de côté les inventaires qui jalonnent son parcours photographique ; il n’en est rien. S’il est évident que les ciels de Jean-Michel Cels et Daniel Clauzier se répondent esthétiquement, c’est dans l’esprit de prospection et d’observation du monde que la correspondance est la plus manifeste. La notion de contemplation est prépondérante. Dans un esprit rappelant les courants météorologistes, Jean-Michel Cels datait et localisait nombre de ses représentations nuageuses. Loin d’un inventaire au sens le plus restreint, les paysages de Daniel Clauzier semblent également composer un état des lieux du monde à un moment donné.

De façon plus générale, Daniel Clauzier revisite la photo primitive, images inexactes mais dotées d’une esthétique désuète qui semble figer les clichés pris sur le vif avec nos téléphones. Là où le rapport à la rareté de l’image s’est perdu, Daniel Clauzier prend le contrepied en sacralisant presque des fichiers qui auraient pu finir leur vie, oubliés, au fond d’une carte mémoire. Se pose alors la question de notre usage – jetable ? – de la photographie et de la signifiance dans le temps des illustrations que nous produisons.

Jean-Michel Cels & Daniel Clauzier, jusqu’au 24 février 2018 à la galerie La Nouvelle Athènes, 22 rue Chaptal, 75009 Paris. https://lanouvelleathenes.fr/

Jean-Michel Cels, Ardennes, 11 mars 1876. Galerie La Nouvelle Athènes. Gustave Le Gray, Brick au clair de lune, 1856-1857. Musée d’art Nelson-Atkins. Daniel Clauzier, Formations nuageuses photographiées depuis une voiture. Limousin, 2016. Cyanotype, 2018. Avec autorisation de l’artiste. Daniel Clauzier, Formation nuageuse au-dessus de Richelieu, 2017. Cyanotype virage thé vert, 2018. Avec autorisation de l’artiste

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