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Propos culturels

Nicolas Régnier à Nantes

Longtemps fermé au public, le musée d’arts (ou musée des beaux-arts) de Nantes a su maintenir une programmation d’expositions temporaires de qualité. La peinture néo-grecque en 2013 ou Étienne Cournault en 2015 font d’ailleurs partie des belles réussites de la période de fermeture qui s’est achevée en juin 2017. Après la belle installation inaugurale de Susanna Fritschter, le patio du musée est investi, jusqu’au 11 mars 2018, par une formidable rétrospective consacrée à Nicolas Régnier.

Les précurseurs et héritiers du Caravage sont à l’honneur en 2017 et 2018. D’un côté, Vincenzo Campi est présenté dans l’exposition La grande bouffe à Soissons (jusqu’au 11 mars), de l’autre, Valentin de Boulogne a été très justement mis en avant au Met puis au musée du Louvre. Aussi, il n’est pas surprenant de retrouver la spécialiste Annick Lemoine dans le commissariat scientifique de Valentin de Boulogne et désormais de Nicolas Régnier. Docteur en histoire de l’art, Annick Lemoine est accompagnée d’Adeline Collange-Perugi, conservatrice pour l’art ancien au musée d’arts, d’Oriane Lavit, conservatrice stagiaire du patrimoine, et naturellement de Sophie Lévy, directrice et conservatrice du musée. L’exposition, qui se déploie au centre du palais des beaux-arts propose quatre espaces. Deux sont dédiés aux œuvres, les autres, plus modestes, offrent une approche plus ludique, notamment pour le jeune public.

Environ quarante œuvres sont présentées selon les périodes romaines et vénitiennes de l’artiste. Arrivé à Rome autour de 1617, Régnier reprend des codes propres à Caravage décédé sept années plus tôt. Le clair-obscur, parfois ténébreux, et le réalisme font partie de ces caractéristiques. Régnier s’emploie néanmoins à développer son propre style. Une production faite de textures et de mimétisme par rapport au réel dans la suite de Manfredi, Ribera etc. Conservée à Sarasota (Floride), la toile Saint Matthieu et l’Ange est l’un des exemples significatifs de cette période de l’artiste. Aussi, il n’est pas surprenant de retrouver Nicolas Régnier au service de l’important collectionneur et mécène Vincenzo Giustiniani. Pour lui, Régnier exécutera une représentation d’Homère déconcertante par rapport à l’iconographie traditionnelle relative à l’aède. Assez rare pour être soulignée parmi les œuvres exposées, cette toile est l’un des nombreux prêts internationaux de l’exposition.

À Venise, Nicolas Régnier poursuit son exploration des thèmes populaires et religieux en y ajoutant une touche plus fastueuse dans les décors notamment. Réalisé vers 1640-1650, La mort de Sophonisbe en est un bel exemple avec des tissus teintés d’or et d’alizarine ainsi que la coupe de poison dont l’aspect nacré est moins conventionnel que d’ordinaire. Le reine numide qui refuse d’être livrée aux romains est étonnamment représentée, au point que l’habituel caractère mélodramatique de la scène est transcendé en une mort glorieuse. Dans sa carrière, Nicolas Régnier a livré un certain nombre de portraits. Parmi les plus remarquables, la Jeune femme à sa toilette qui provient du musée des beaux-arts de Lyon. De Nicolas Régnier dans sa période vénitienne, retenons également l’émouvante représentation de Saint Sébastien soigné par Irène et sa servante. Prêtée par la Ferens Art Gallery de Kingston-upon-Hull (Angleterre), la toile est d’une grande force sensible. Il s’agit de l’une des plus éminentes, mais néanmoins méconnue, des très nombreuses œuvres consacrées à saint Sébastien.

Largement complémentaire, le catalogue édité par Lienart est signé par les commissaires de l’exposition mais également par les spécialistes Patrizia Cavazzini, Francesca Cappelletti, Maria-Cristina Terzaghi et Linda Borean. L’ouvrage reprend le parcours de l’exposition tout en détaillant l’univers dans lequel Nicolas Régnier évolue et en proposant notamment un regard en écho avec ses contemporains.

Reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture, l’exposition Nicolas Régnier, l’homme libre, est un rendez-vous immanquable de cet hiver. On appréciera la simplicité de la scénographie, la cohérence du parcours et la chance de pouvoir assister à la première rétrospective consacrée à cet artiste dont la carrière italienne mérite d’être connue.

L’exposition est visible jusqu’au 11 mars 2018 aux horaires d’ouverture du musée d’arts de Nantes. Du lundi au dimanche (sauf le mardi) de 11h à 19h (nocturne jusqu’à 21h le jeudi).

Iconographie : Nicolas Régnier, Saint Matthieu et l’Ange, Sarasota, John and Mable Ringling Museum of Art (droits réservés). Nicolas Régnier, Homère jouant de la lira da braccio, vers 1620-1623, Potsdam, Stiftung Preussisches Schlösser und Berlin-Brandenburg Bildergalerie von Sanssouci (BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Wolfgang Pfauder). Nicolas Régnier, La Mort de Sophonisbe, vers 1640-1650, Kassel, Museumslandschaft Hessen Kassel (cliché personnel). Nicolas Régnier, Jeune femme à sa toilette ou Allégorie de la Vanité, vers 1630-1635, musée des beaux-arts de Lyon (cliché personnel). Nicolas Régnier, Saint Sébastien soigné par Irène et sa servante, Kingston-upon-Hull, Ferens Art Gallery (Bridgeman Images).

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