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Découverte de l’atelier derrière le chemin de croix de La Roche-sur-Yon

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Consacrée en 1830 l’église Saint-Louis de La Roche-sur-Yon a longtemps été dépourvue de mobilier et d’éléments artistiques hormis le programme décoratif en trompe-l’œil, l’autel, la chaire à prêcher ou encore le tabernacle. C’est surtout au cours de la seconde moitié du XIXe siècle que le monument a connu d’importants aménagements que sont la commande de vitraux, une reconfiguration des chapelles absidiales, l’installation d’un baldaquin baroque mais également l’acquisition de tableaux peints dont les quatorze stations du chemin de croix.

Si les rumeurs populaires ont longtemps attribué cette production picturale à des peintres tels Paul Baudry et Joachim Sotta, la facture déséquilibrée de l’ensemble ne peut laisser penser à une seule main et encore moins à un artiste reconnu. Pour justifier l’absence de signature (pratique pourtant courante), une supposition concernant une découpe des toiles (195 x 205 cm actuellement) sur 80 cm dans leur hauteur a longtemps été faite – on parle régulièrement d’une découpe importante sur la partie supérieure de chaque station. Hors, une suppression aussi importante semble improbable au regard de la composition des tableaux. Si l’on observe en effet la station XIV, représentant la Mise au tombeau du Christ, l’entrée du sépulcre coïncide exactement avec l’angle supérieur gauche de la toile, une poursuite du paysage au-dessus est par conséquent difficile à imaginer.

Quelques éléments découverts au 5 décembre 2016.

Sans m’y attarder davantage, je me suis posé la question de la provenance de ce chemin de croix. Les recherches en archives n’ayant donné aucun élément, je ne suis pas allé plus loin. Au cours de nombreuses visites d’édifices religieux, j’ai néanmoins pris l’habitude d’observer la facture des chemins de croix dans l’objectif de trouver une signature ou un élément quelconque. Après avoir vu de nombreuses productions picturalement proches du chemin de croix de La Roche-sur-Yon, je suis enfin tombé sur une œuvre signée « L. Chovet. A Paris » en l’église Saint-Jacques de Pouzauges.

Au regard des recherches antérieures et des recherches postérieures à la visite de l’église de Pouzauges, il est possible d’identifier deux compositions des chemins de croix peints semblables à celui de La Roche-sur-Yon. Une composition verticale et une horizontale mais également des déclinaisons sous différents formats (rectangles, lancettes gothiques…), différents matériaux (huile sur toile ou sur métal par exemple), et différentes techniques (émail, bois doré et peint…).

Si les motifs sont globalement reproduits de manière identique, le nombre de personnages varie ainsi que la composition des stations. La crucifixion est  un exemple marquant avec un ensemble bien différent en fonction de l’orientation du tableau. Quoi qu’il en soit, une version verticale diffère peu d’une autre du même format et il en va de même pour les versions horizontales.

De nombreuses localités abritent un chemin de croix dont l’iconographie est semblable à celui de La Roche-sur-Yon (constats majoritairement faits au hasard, sur place, lors de recherches d’images sur internet, avec des clichés envoyés ; Et parfois grâce au nom de l’atelier recherché dans les bases de données) : Doix (85), Pouzauges (85), Les Clouzeaux (85), Saint-Jean-d’Angely (17), Rochefort (17), La Flotte-en-Ré (17), Macon (71, cathédrale), Obersaasheim (68), Pernes-les-Fontaines (84), Hoëdic (56), Chamboulive (19), Confolens (16), Lessac (16), Limogne-en-Quercy (46), Havernas (80), Besmont (02), Thouars (79), Montbéliard (25), Rouen (76), Dôle (39), Pierreville (Québec), Ottawa (Canada) etc.

Malgré ces éléments de concordance, le format imposant du chemin de croix yonnais reste unique dans la production Chovet que j’ai pu identifier à ce jour. Dans le cas de La Roche-sur-Yon, les repeints, variations de styles, compositions parfois déséquilibrées… me poussent à émettre l’hypothèse d’un travail pictural préparatoire à une reproduction à plus large échelle sous des formats différents. Rien ne peut néanmoins expliciter cette supposition.

Quant à l’atelier, peu d’informations sont disponible mais une recherche dans les inventaires patrimoniaux permet d’attester une activité au 19 rue Madame, dans le quartier Saint-Sulpice, à Paris à compter de 1866-1868. Deux personnes sont identifiées, Lucien Chovet et parfois Louis Beau en complément. Rien ne permet de savoir exactement qui est derrière les cartons du chemin de croix bien que Chovet et Beau soient tous-deux identifiés comme peintres. La production de l’atelier semble éclectique comme chez de nombreux marchands sulpiciens (Chovet a par exemple réalisé un autel en bois pour l’église de Soizé (28) en 1890). La temporalité précise de la carrière commerciale de Lucien Chovet est difficile à définir mais il est possible d’imaginer une activité jusqu’au début du XXe siècle (dans le bref écrit Mobilier et objets religieux Catalogues commerciaux des XIXe et XXe siècles, Isabelle Saint-Martin donne cette période pour un catalogue Chovet). Le travail de Lucien Chovet est par ailleurs présent en Europe, Afrique, Amérique…

Certains inventaires évoquent une succession de P-A Gaspard, une recherche sur Gallica et Google Books permet d’identifier l’éditeur-graveur Pierre-Alexandre Gaspard établi au 1 puis au 19 rue Madame. Deux ouvrages sont à retenir : Notices sur les 70 serviteurs de Dieu mis à mort pour la foi en Chine, au Tongking et en Cochinchine… par l’abbé Rousseau, Catalogue de gravures, lithographies… chemins de la croix, 1844. Une recherche approfondie en archives permettra d’en savoir davantage prochainement.

Affaire à suivre donc !

Photographies sur demande, la mention de la source est évidemment nécessaire pour toute utilisation du contenu de ce billet. La faible quantité d’archives sur le sujet ne permet pas l’établissement d’une note détaillée et exhaustive.

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