La plaine ne connaît pas les retranchements. À mesure qu’elle se dévoile l’horizon devient une césure franche et inflexible. La seule mouvance est celle du ciel qui se pare de cadmium et d’alizarine quand arrivent les soirs d’hiver alors que la terre n’est pas encore pourvue de son enveloppe de blés et de colza. Dans cette étendue qui court aux lointains la présence monumentale des silos défie en journée les clochers faiblement hérissés des villages alors que, la nuit, les signaux des éoliennes découpent l’obscurité de leurs éclats vifs.
L’enfance qui sommeille ici est marquée par l’odeur de l’ensilage collant aux fringues et par celle des gangues, acides à saisir les poumons, que propulsent les aérateurs à grains sur le terrain de foot. Une enfance de cocagne et d’aridité, impalpable comme cette plaine.