Being
Beauteous possède la stabilité précaire d’une ligne de crête, la multiplicité
d’un cabinet de curiosités et le caractère insaisissable d’un océan ou d’une
plaine s’ouvrant au regard. A partir des mots d’Arthur Rimbaud, quatre
photographes de renom – Anne-Lise Broyer, Nicolas Comment, Amaury da Cunha et
Marie Maurel de Maillé – invitent le spectateur à une plongée dans un cadre qui
tient peut-être plus de l’installation artistique que de l’exposition.Par l’absence
d’identification des photographies propres à chacun, de cartels ou encore de
contenus audiovisuels, Being Beauteous se révèle comme une seule personne et,
au-delà, comme autant d’œuvres que de contemplateurs. En disant « La poésie est
indispensable mais je ne sais pas à quoi. », Jean Cocteau assumait le caractère
subjectif et injustifiable des émotions ; la démarche de Being Beauteous
se révèle être semblable tant les artistes ne justifient pas leurs choix, ce
qui laisse le visiteur libre de ses interprétations et associations. Il serait
difficile de livrer ici une appréciation positive ou négative de l’exposition tant
elle tranche avec la rationalité des accrochages souvent légion. Bien que
reconnaissables, les quatre artistes se confondent et parviennent à faire
oublier leurs styles pour en révéler un seul : l’équilibre. Sans doute
est-ce la force majeure de Being Beauteous, la sélection des œuvres et de leurs
correspondances en fonction du lieu. Aussi, la notion d’équilibre n’est pas
synonyme de neutralité mais bien d’une réflexion poussée collectivement avec la
volonté que chacun des spectateurs goûte librement ce qui lui est donné à
contempler.On peut
reprocher à Being Beauteous de manquer de clarté au premier abord qui peut sembler
abrupt. Néanmoins, l’accrochage interroge avec audace le rapport à l’œuvre d’art
et ce qu’il en reste une fois son auteur inconnu. Passer la porte de Being
Beauteous n’est pas aller voir la production d’un artiste, d’une technique ou d’un
thème, c’est partir à la rencontre de sa propre perception et de ce qu’elle
procure en sensations mentales voire corporelles. Le simple hasard a peu de
place dans le choix commun des photographes, mais l’intention est suffisamment
en retrait pour que le voyage fonctionne auprès de qui veut prendre le temps de
l’immersion. Questionner la vision plus que tout, telle est la ligne directrice
d’une exposition qui nous invite à renouveler notre approche de la photographie
et, plus largement, des arts dans leur globalité. Ne pas chercher à être un
abîme de compréhension, juste lâcher prise et laisser place au saisissement, à
l’émoi et à l’indifférence face à un cliché s’il le faut.Being
Beauteous nous offre la liberté de saisir indistinctement des volutes sculptées
dans la pierre, un regard perché à trois mètres de hauteur, un corps nu appuyé
contre un mur, un passereau naturalisé, des embruns teintés de reflets émeraude…
Being Beauteous est peut-être finalement le moyen de nous révéler que l’on ne
voit pas les parcelles de rêves qui se cachent dans tant d’œuvres d’art au sein
des musées comme de notre quotidien.Jusqu’au 27
février 2016 au musée de La Roche-sur-Yon.Du 10 mars au
22 mai 2016 au musée d’Art et d’archéologie de Guéret.Exposition
coproduite avec Le Château d’eau, pôle photographique de Toulouse.Livre accompagnant
le projet : 27€ aux éditions Filigranes.
Sites
internet respectifs des artistes :http://www.annelisebroyer.com/
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