Mettre un nom sur une statue

Voilà de nombreuses années que j’occupe mon temps libre à travailler sur l’art dans la ville et donc autant de temps où je m’attache à établir des fiches détaillées sur les œuvres répertoriées au gré des recherches. Parmi les nombreuses œuvres présentes à La Roche-sur-Yon, celles installées avant la Libération sont assez peu nombreuses en raison de la fondation récente de la ville en 1804 et de la nécessité qu’il y a eu à bâtir un corps urbain ex nihilo.

Parmi ces œuvres, la statue de l’Astronomie (son nom d’origine là où les archives locales parlent d’Uranie) présente la particularité de ne pas avoir été conçue pour son emplacement actuel, le cours Bayard. En effet celle-ci provient directement du palais du Trocadéro de 1878, démantelé en 1935 pour laisser place au palais de Chaillot des architectes Léon Azéma, Jacques Carlu et Louis-Hippolyte Boileau. Entre 1876 et 1878, Gabriel Davioud et Jules Bourdais se sont en effet entourés de nombreux artistes pour le programme décoratif du palais composé de galeries d’expositions, d’une salle des fêtes de 4600 places et d’un vaste jardin. Des sculpteurs tels Isidore Bonheur, Auguste Rodin, Alexandre Falguière ou Alfred Jacquemart ont apporté leur touche à l’ensemble. On trouve leurs œuvres du Trocadéro au musée d’Orsay, parc de Sceaux… Mais c’est sur la terrasse dominant le Champ-de-Mars qu’étaient placées 30 statues représentant les arts, lettres, sciences… Les sculptures d’auteurs différents sont aujourd’hui visibles dans tout l’hexagone (Nantes, Agde…) dont l’Astronomie aujourd’hui à La Roche-sur-Yon.

En 1936, l’État a en effet proposé à la Ville de La Roche-sur-Yon de bénéficier gracieusement, à titre de dépôt, d’une statue pour son embellissement. Moyennant le règlement des frais de transport par la Ville (1300 francs), la statue mesurant 2m40 et pesant 1800kg arrive en Vendée et trouve place dans le cours Bayard qui connaît alors son premier aménagement avec jardin à la française et fontaine.*

Dans mes recherches aux archives, je suis toujours tombé sur le nom de « Hussac » comme étant celui du sculpteur. Or, j’ai cherché à plusieurs reprises mais je n’ai pas trouvé une seule information sur cette personne. Les centres de documentation des musées du Louvre et Orsay et de la Cité de l’architecture et du patrimoine n’ont pu me renseigner. Même aux archives municipales*, « Hussac » est le seul nom d’artiste mentionné. Dans un courrier en date du 7 mai 1936, le préfet donne en effet ce patronyme en se référant à une correspondance avec le ministère de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts.

Cette semaine, en recoupant des documents sur la construction du palais du Trocadéro*, je suis tombé sur le nom d’Adolphe Itasse (1829-1893) comme sculpteur de l’Astronomie. Les documentalistes du musée d’Orsay m’ont confirmé ce nom mais cela ne dit pas d’où vient exactement le nom « Hussac » (ou « Husac » selon les sources). La signature de la statue yonnaise s’est beaucoup dégradée ces dernières années mais elle reste partiellement lisible, il s’avère que si nous regardons une signature sur bronze d’Adolphe Itasse, nous remarquons que le « I » et le « T » se confondent et peuvent laisser penser à un « H », le « E » imprécis peut être rattaché à un « C » pour celui qui ne connaît pas le nom de l’artiste. Si dès le démantèlement du Trocadéro, en vue de l’exposition de 1937, le nom communiqué a été faussé, cela est probablement dû à une interprétation de la signature non recoupée avec des éléments relatifs à la construction du palais en 1878. Cela était courant, la priorité n’était pas à l’identification exacte. C’est ainsi que pendant des décennies, une erreur de lecture a donné à la sculpture un auteur qui n’existe pas. La boucle est désormais bouclée !

William Chevillon, le 17 janvier 2017.

* Pour l’ensemble du paragraphe voir délibération du 29 mai 1936.

* 5M16

* On peut lire sur Gallica plusieurs documents mentionnant l’artiste dont cette monographie sur le palais du Trocadéro : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5739394d/

(cliché 1 : William Chevillon, cliché 2 : artbronze.com)